Brèves d'Instance

Préambule


A tous ceux qui sont à l'instance et qui vivent le surendettement, les loyers impayés, les seconds rachats par les sociétés de recouvrement de créances pourries de crédits Conso d'IP de 1991  et les saisies rémunérations sur les indemnités pôles emploi et autres indemnités CPAM,  à tous ceux qui ont déjà dit à ces débiteurs s'excusant de leurs larmes en audience, "je vous en prie. Délibéré au 16 mai", quelques mots du Voyage au bout de la nuit du contesté, contestable et non moins talentueux Céline : 

" Ce qui est pire c'est qu'on se demande comment le lendemain on trouvera assez de force pour continuer à faire ce qu'on a fait la veille et depuis déjà tellement longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces miles projets qui n'aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l'accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu'il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l'angoisse de ce lendemain toujours plus précaire, plus sordide". 

Moments d'audience



Audience de saisie des rémunérations, vers la fin des débats :Mme la Présidente au débiteur : "vous avez qqch à dire par rapport à cette procédure ?"
le débiteur : "non"
Mme la Présidente : "Vous êtes sûr ? Qu'est ce que vous pensez de votre taux d'intérêt par exemple ?"
le débiteur : "euh..."
L'huissier de justice au débiteur : "Dites à Madame la Présidente que votre taux d'intérêt est trop élevé."
Le débiteur : "euh... ?!?"
L'huissier : "Dites le, c'est ce qu'elle attend."
Mme la Présidente : "alors ?"
Le Débiteur : "bah..."

Notes d'audience : "je paie trop de frais et mon taux d'intérêt est trop élevé" 




Aux marches du palais...

Un mardi matin- service des tutelles-
Les auditions s'enchainent. Un homme manque à l'appel.
Absent ? Non. Il est là, dehors, devant le palais... Il attend...
Il attend qui ? Il attend quoi ? Il attend que la justice qui l'a convoqué lui permette d'entrer...
Pourquoi ? Un refus des agents de sécurité de le laisser entrer ? Une porte coincée ? Non, quelques marches impossibles à gravir pour cet homme âgé d'une soixantaine d'années bien sonnées qui se déplace avec des béquilles... Et pas d'accès handicapé... (1)
Que faire ? Pour ne pas reporter son audition (pour renouvellement de la mesure de tutelle) et parce que lui a fait l'effort de répondre à la convocation, il sera entendu sur les marches du palais, sous un ciel capricieux et menaçant. Il me racontera ses difficultés, ses problèmes de santé, ses incertitudes pour les prochaines années dans le va-et-vient incessant des personnes qui entrent et sortent du tribunal...
Quel a été son sentiment ? Aucune idée... De mon côté, désarroi, gêne, colère, incompréhension, etc. se sont mélangés.

Je pensais (naïvement peut-être!) qu'en matière d'accessibilité de la justice, le volet de l'accès physique aux tribunaux était réglé... Je me suis trompée, j'ai déchanté, ...

 « Une justice accessible à tous », voilà un chantier qui est loin d'être terminé !


(1) en réalité, il existe une salle accessible aux personnes à mobilité réduite, depuis la rue, en sous sol. Mais l'utiliser suppose notamment la réserver. C'est ainsi que ,pour les audiences de divorce, sont planifiées des audiences « handicapés ». Je vous laisse apprécier le concept... Concept qui trouve en plus bien vite ses limites quand les personnes omettent de signaler avant de venir qu'elles sont en fauteuil ou ne peuvent monter des marches... Omission légitime: devrait-on avoir à donner ce genre d'information lorsque l'on se rend dans un service public?!