Motivés, Motivés !

Sur cette page, vous pourrez retrouver quelques unes des positions des sections syndicales SM à l'ENM.


Sommaire :
- le tract sur les objectifs chiffrés en stage juridictionnel,
- la lettre au  conseil d'administration sur la suppression du stage international.



AU CŒUR DU STAGE JURIDICTIONNEL :

PLAIDOYER POUR UN ARRET DEFINITIF DES OBJECTIFS CHIFFRES


            Force est de constater que les mauvaises habitudes ont la dent dure ! A peine avons-nous repris notre stage juridictionnel, plongés dans le quotidien de nos tribunaux, que la Section des Petits Pois de l'École Nationale de la Magistrature ne manque pas de vous inonder (encore !) de sa propagande laxiste ! Malheureusement, c'est encore une attention dont nous nous serions bien passés à votre égard …

Ce dont nous voulons parler : les instructions données à nos Directeurs de Centre de Stage et  Référents de  Stage respectifs par l'intermédiaire des « fiches pédagogiques » aux fins que nous rédigions 15 jugements à l'Instance, 5 réquisitoires définitifs au parquet … et sous réserve de ce qui nous attend pour la suite du stage en juridiction …

Simples directives à l'attention de nos formateurs ou véritables indicateurs de performance sous couvert  d'objectifs affichés pour la réussite de nos stages ?

Le débat est ouvert.

Ce que nous voulons dénoncer par la présente :

1.                  Le manque de transparence et l'absence de communication de la part de l'École sur l'existence de tels objectifs alors que nous étions sur le point de partir en stage juridictionnel.

2.                  Les conséquences de la prescription de tel objectifs  sur le déroulement de notre formation que sont les pressions inutiles que peuvent subir certains auditeurs en raison de l'application arithmétique de ces directives, quitte à reléguer au second plan le seul objectif que l'on devrait nous assigner au cours de ce stage: celui de prodiguer la meilleure formation  professionnelle qu'il soit.

Une piqure de rappel : le manque de transparence de la part de l'École sur les décisions nous concernant

Nous en avons fait notre combat depuis la création de la section : faire que l'Administration de l'École nous associe dans la mesure du possible aux décisions qui nous concernent, qu'elle nous considère avant tout non pas comme de simples étudiants infantilisés à qui elle imposerait ses décisions, mais comme des collègues avec qui l'on peut instaurer un dialogue sur un pied d'égalité à propos du déroulement de notre formation.

Force est de constater qu'à l'heure actuelle, nous ne sommes toujours pas associés à un certain nombre de ces questions alors qu'elles nous concernent à titre principal.

Là encore, le propos n'est pas de remettre en cause le travail de d'Administration, mais de pointer du doigt un certain nombre de pratiques qui sont le symptôme d'une perte de sens de notre formation et de réfléchir de façon concertée aux moyens de l'améliorer.

Le cœur du sujet : les conséquences de la prescription d'objectifs chiffrés sur le déroulement de notre stage

A nos yeux, l'essence du stage juridictionnel se doit d'être centrée sur l'apprentissage de nos futures fonctions et sur la transmission d'un savoir-faire par les magistrats plus expérimentés.

Aussi, ce moment privilégié pendant lequel nos aînés nous guident à devenir les acteurs de la Justice de demain doit être préservé à tout prix de toute logique productiviste.
 
Cependant, on ne peut que constater l'évolution de notre formation dans le sens toujours plus accentué de la performance, de la rentabilité, de l'effectivité !

Un rappel :
                    la période de « scolarité » à Bordeaux à été à la fois raccourcie et densifiée dans son contenu (au détriment de la qualité ?),
                    des examens ont été mis à la fin de cette période (… alors que c'est le stage juridictionnel qui est censé nous former à la rédaction des actes juridictionnels civils et pénaux…) dans un besoin perpétuel de sanctionner toutes les étapes de notre cursus et in fine de rendre perpétuellement des comptes …
                    Et maintenant, on nous demande tant de jugements, d'actes, etc … pendant une période qui doit avoir pour seule  vocation  de nous donner les outils pour rendre une justice de qualité.

De ce constat, deux réflexions :

1.                  Un risque : celui des conséquences de la mise en place de tels objectifs sur notre formation.

Privilégier la quantité au détriment de la qualité ?

Au risque d'enfoncer une porte ouverte, nous tenons à dire que fixer comme objectif de rédiger 15 jugements ou 5 Réquisitoires Définitifs en soit relève de la plus pure aberration et pourrait se révéler plus pervers qu'il n'y paraît.

On nous rétorquerait qu'il s'agit là d'une partie essentielle de notre formation que de rédiger ? Mais quid de la préparation des audiences au TI, au parquet, au TGI ? Quid de la permanence pénale ? Quid du suivi des magistrats sur le terrain ?

Des premiers retours que nous avons eus, il apparaît que certains maîtres de stage ou référents continuent à privilégier une approche qualitative de notre formation au lieu de nous pousser absolument à remplir ces quotas. Et c'est tant mieux !

Par contre, que se passe-t-il dans les autres cas ? Des retours plus nuancés nous ont donné envie de poser les termes de cette réflexion : Nous craignons ici que de tels objectifs créent d'inutiles pressions sur des auditeurs déjà suffisamment stressés. Et le risque est d'autant plus grand que nous nous retrouvons tous éparpillés et par conséquent dans une position de vulnérabilité accrue selon nos caractères face à un magistrat qui nous évalue in fine.

Nul n'est besoin de souligner que le déroulement de nos stages dépend en partie des magistrats, greffiers et autres personnels de Justice qui nous accueillent et nous consacrent de leur temps. Et pour la majorité, de constater qu'ils ont l'envie de transmettre malgré des juridictions sinistrées, des délais d'audiencement trop longs et des stocks de dossiers impossibles à résorber.

Mais pourquoi ne pas laisser nos référents seuls juges de l'appréciation de notre travail ?   

D'une chose, si une relation de confiance s'établit, le travail se fera par lui-même. De l'autre, fixer de tels objectifs peut avoir comme effet pervers de donner à l'auditeur un bâton de plus pour se faire battre.

2.                  Une interrogation : l'impact de ces objectifs sur nos évaluations ? Et si nous ne remplissions pas le quota imposé ?

On aperçoit le malaise dans lequel les auditeurs sont aujourd'hui plongés. Malgré la réussite d'un concours d'entrée censé a priori nous sélectionner, nous sommes encore soumis à des évaluations de façon continue et tout au long de notre scolarité.

Notre hantise ? Le fameux classement de sortie, déterminant l'endroit où nous allons officier pendant deux, trois voire quatre ans, doublé de la suppression du volant de poste, obligeant le(s) dernier(s) de la liste à devoir ne pas choisir sa première affectation, soit expressis verbi, de se retrouver à Cayenne contre leur volonté. Rappelons nous qu'il fut un temps pas si lointain où les Gardes des Sceaux évitaient d'envoyer les magistrats Outre mer en premier poste … Que les choses soient dites : oui pour Cayenne,  mais seulement si l'auditeur l'a délibérément choisi !

Aussi, alors que l'évaluation revêt pour l'auditeur une telle importance, celui-ci reste dans l'expectative quant à la portée des objectifs chiffrés qu'on lui aura imposé : Que se passe-t-il si l'auditeur ne remplissait pas les quotas au TI, au parquet ou autre ? Est-ce noté dans son dossier pédagogique ? Sa notation s'en fera-t-elle ressentir in fine ? Devra-il être marqué comme un auditeur pas assez productif et donc, pas assez rentable ..?

On voit bien aujourd'hui que, dans les conditions où nous les avons découverts, ces objectifs chiffrés (mais surtout pas communiqués aux pauvres auditeurs que nous sommes! ) soulèvent de légitimes interrogations sur le sens de notre formation d'Auditeurs de Justice.

Ce que nous demandons :

1.                  nous demandons à la Direction des éclaircissements sur ces objectifs qu'elle nous a cachés, sans avoir soumis ces objectifs chiffrés à une discussion préalable ou à une quelconque information
2.                  Soit ce sont des objectifs à atteindre et la direction doit se prononcer clairement, soit ce sont de simples indications et cela doit être dit tout autant,
3.                   Quoi qu'il en soit, l'information doit être donnée aux auditeurs avant qu'ils ne le découvrent en stage !
4.                  Des éclaircissements sur la prise en compte de ces objectifs sur nos évaluations doivent être donnés,
5.                  la suppression pure et simple de tels objectifs doit être annoncée.

Conclusion :

Nous aurons bien le temps, au moment de notre première prise de fonction, de nous heurter de plein fouet à l'implacable quotidien des juridictions françaises.

Là encore, l'objet du présent est moins de contester et de nous plaindre que de porter ce sujet sur la place publique ; le but étant de mettre en lumière des pratiques que chaque auditeur « pris isolément » sur son lieu de stage aura pu constater, mais dont il ne sera pas à même d'apprécier l'enjeu sans avoir pu discuter avec le reste de la Promotion.

Toujours dans la perspective de vous faire réagir, discuter, débattre, la section des petits pois à l'ENM vous envoient ses syndicales salutations.

Les mauvais jours finiront.
 


SUPPRESSION DU STAGE INTERNATIONAL, lettre ouverte au Président du Conseil d'Administration de l'ENM


Monsieur le Président,

Le 16 octobre dernier, les délégués de la promotion 2011 nous ont fait part du projet de l’Ecole Nationale de la Magistrature de supprimer le stage international dans le cadre de la formation initiale des auditeurs de justice. Ce projet devrait faire l’objet d’un vote lors du prochain Conseil d’Administration. Nous n’ignorons pas que cet arbitrage, soudain, entend répondre aux directives budgétaires de la Chancellerie[1], et s’inscrit dans le cadre de la politique de réduction drastique de la dépense publique menée au plus haut niveau de l’Etat. Toutefois, il est surprenant que, tout en annonçant publiquement l’augmentation du budget de la justice et la multiplication par trois du nombre d’auditeurs, après dix années de baisse continue du recrutement dans la magistrature[2], le Ministère n’ait pas anticipé l’impact financier d’un tel changement de cap pour l’Ecole.

Ce projet nous apparaît très contestable, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme d’abord, la section des auditeurs du Syndicat de la Magistrature regrette qu’une fois encore l’impréparation et l’opacité aient présidé aux choix faits par l’ENM. Ni la Direction ni le Département international de l’Ecole, n’ont pris le soin d’informer les auditeurs de l’éventuelle disparition du stage international. Les délégués de la promotion 2011 ont été avertis le 16 octobre d’un projet destiné à être soumis au Conseil d’Administration le 22, empêchant, de fait, toute concertation avec les auditeurs et les partenaires sociaux. A cet égard, nous nous inquiétons que l’offre de formation d’une des grandes écoles de l’Etat soit aussi inconstante. Pourtant, la nécessité de faire des économies n’est pas une nouveauté. Ainsi, dès la rentrée de la promotion 2012, les auditeurs se sont vus signifier qu’ils ne bénéficieraient d’aucun code ni de fascicules reliés. Et c’est aujourd’hui ce même impératif  budgétaire qui préside aux choix des stages extérieurs pour la promotion 2011. Ces adaptations au coup par coup, sans aucune visibilité à long terme, nuisent à la formation des auditeurs.
Sur le fond, la section des auditeurs du Syndicat de la Magistrature est persuadée de l’intérêt pédagogique et professionnel du stage international et demande son maintien.
Nous déplorons que les économies se fassent au détriment de l’ouverture internationale, qui constituait jusqu’alors une priorité dans la formation des auditeurs. L’Ecole pourra-t-elle encore se targuer comme elle le fait sur son site intranet “ d’apporter aux auditeurs de justice une connaissance approfondie des systèmes juridiques et judiciaires étrangers, et de les familiariser aux principes internationaux existants » ?  Ce choix apparaît d’autant plus contestable lorsque l’on observe la place que nos homologues européens consacrent au droit international et à l’ouverture européenne. La semaine d’échange européen organisée en novembre 2011 nous en a donné une parfaite illustration.
Par ailleurs, nous nous opposons formellement à la proposition qui est faite par l’Ecole de remplacer cette période de stage par un mois supplémentaire en juridiction, tout en sélectionnant parmi nous 40 auditeurs pour partir en délégation à l’étranger. De deux choses l’une: soit le stage international est un élément essentiel de la formation des auditeurs, auquel cas l’ensemble de la promotion doit pouvoir en bénéficier ; soit il est superflu, et on voit mal sous quel motif des fonds seraient dégagés pour permettre à une poignée d’entre nous d’avoir une formation dérogatoire. Nous n’ignorons pas l’opportunité que ce stage international peut représenter pour ceux qui souhaiteraient, une fois en fonction, se porter candidat pour un poste de détachement à l’étranger.
L’égalité des auditeurs dans leur formation ne doit pas céder devant la volonté de l’Ecole de maquiller les conséquences de sa politique budgétaire à l’égard de ses partenaires étrangers.
Enfin, nous redoutons que l’imprécision des critères de sélection favorise, à l’instar de ce que nous avions déjà dénoncé à l’occasion de la semaine européenne, une procédure opaque qui laisserait place à l’entre-gens et aux négociations de couloirs.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous opposons catégoriquement à ce que le bénéfice de ce stage international soit réservé à une minorité.
En dernier lieu, la section du Syndicat de la Magistrature, conformément au rôle qui est le sien, entend veiller à ce que les auditeurs soient informés dans les plus brefs délais de l’avenir du stage international et des alternatives proposées par l’Ecole. La situation matérielle et financière des auditeurs, notamment en ce qui concerne les conditions d’hébergement, commandent de ne pas les maintenir davantage dans l’expectative. C’est pourquoi nous vous demandons d’informer avant le 30 octobre prochain l’ensemble de la promotion 2011 des suites que vous entendez donner à cette affaire.
Copie de la présente sera transmise à Monsieur le Directeur de l’ENM ainsi qu’au représentant du Syndicat de la Magistrature au Conseil d’Administration de l’ENM.
Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre sincère considération.

La section ENM du Syndicat de la Magistrature



[1] Cf. le dossier de presse du 28 sept. 2012 diffusé par le Ministère de la Justice, présentant le budget de Justice 2013, p. 5. ; Rapport de l’IGSJ n° 28/32, Mission d’évaluation du fonctionnement et des activités de l’ENM, pp. 46 s., 105 et 107.
[2] Cf. l’allocution de Madame la Ministre de la Justice relative à la présentation du budget 2013 du 28 septembre 2012.
 

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